Keh Mey - Perspective (review)

Keh Mey - Perspective (review)

Je reçois souvent dans ma boîte e-mail des liens vers des EP. Ceux-ci se composent ordinairement de trois chansons à peine et quand il s’agit de rnb français, sans vouloir être de mauvaise foi, la production est souvent bâclée. Ou les paroles. Mais Keh Mey fait mentir les statistiques avec Perspective.

Après le projet Jeux 2 Dames en duo avec la rappeuse Sara Freeman en début d’année, Keh Mey revient avec un premier EP solo plutôt généreux. “Je vous présente Perspective, annonce-t-elle dans le communiqué. Tout est dit dans ce titre : vous allez découvrir l’univers dans lequel je baigne , influencé par diverses couleurs musicales. Je vous invite à partager et me donner votre avis sur ces 14 titres que je vous livre bercés par mon cœur.”

Et c’est une jolie entrée en la matière avec Mon royaume, dont le clip avait déjà été dévoilé en mai 2012 (le temps passe vite !). Je l’ai déjà dit et le redis : c’est l’un des meilleurs morceaux de rnb français qu’il m’ait été donner d’écouter depuis des années. L’instrumental est parfait, les harmonies enrichissent merveilleusement bien le refrain, le texte est travaillé et la voix est chaude. Une chaleur propre à l’artiste dans laquelle baignent d’ailleurs les 13 autres pistes de l’EP, comme l’entraînant Ensemble ou Au soleil qui propose un joli moment d’évasion.

La chanteuse a promis de l’éclectisme et elle n’a pas menti, en témoigne notamment Hot Boys, déclaration d’amour en anglais où elle flirte entre folk et reggae, à l’image d’une Irma ou d’une Imany. Preuve que rien n’arrête Keh Mey : ni la barrière de la langue, ni celle des genres. C’est dans un registre plus pop qu’on la retrouve sur Ma boussole, extrait mettant particulièrement son timbre en valeur. Place ensuite à Tenons-nous la main, ballade dont la mélodie des couplets m’évoque par moments l’Hallelujah de Leonard Cohen. Si on était en plein concert, ce serait incontestablement l’instant où tout le monde balance ses bras de droite à gauche, un briquet (ou un téléphone) à la main dans un sentiment d’unité.

La deuxième partie de l’opus me ramène tout droit au début des années 2000 avec des titres comme Les Mots sans repaires ou Oser dont les rythmiques me rappellent étrangement ce que j’écoutais à l’époque. Là où j’ai cru que Keh Mey commençait tout doucement à me perdre, c’est sur Ton regard et son vocoder qui ne relève clairement que de l’expérimentation dans le cas de la jeune femme aux origines antillaises. Mais c’est également ce morceau qui a su produire l’inattendu : au fil des écoutes, j’ai fini par me laisser séduire par ce côté arabisant pour admettre après réflexion qu’il s’agit curieusement de l’une de mes chansons préférées de Perspective. Par contre, c’est tout aussi inexplicablement que Radio ne passe absolument pas. Sans doute à cause d’un refrain un peu trop lancinant…

L’EP se conclut avec Le temps nous rattrape dont le thème de la perte touche une corde sensible et devrait résonner chez beaucoup d’entre vous. Et je comprends alors ce que j’aime tant chez Keh Mey : elle me rappelle une certaine K-Reen ou l’excellentissime duo Native porté disparu aujourd’hui. Et ça fait du bien.

Lorsque la dernière note retentir, j’ai presque l’impression d’être trop bon public. Certes les thématiques abordées n’ont rien de bien transcendant mais on ne peut s’empêcher de ressentir le travail et la passion, cette envie de faire les choses bien. Une mention spéciale aux refrains que je trouve tout simplement magiques et efficaces au possible, à tel point que, si Keh Mey ne perce pas, je lui suggère fortement d’envisager une carrière en tant que topliner. Cependant, pour être tout à fait honnête, ce qu’elle nous propose avec Perspective dépasse largement beaucoup d’albums du genre qui ont actuellement leur place en rayons et il est d’ailleurs bien regrettable que cet EP ne soit pas disponible en téléchargement, du moins pour l’instant (parce que mon petit doigt m’a dit que ça ne devrait pas tarder). Petit message à Keh Mey enfin, qui prépare justement la suite : le hasard fait bien les choses et la loi universelle de la diversité (alias moi-même) veut que tu enregistres un ZOUK. Merci.

 

À écouter d’urgence : Mon royaume, Ton regard, Le temps nous rattrape.
Aimez Keh Mey, suivez Keh Mey.

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