Explique-moi le rap (Partie 2)

Explique-moi le rap (Partie 2)

Parce qu’il ne peut se résumer à quelques notions approximatives, le rap paraît parfois indescriptible. Il n’est pas un absolu, mais une somme de caractéristiques disparates. C’est parti pour la 2ème partie du dictionnaire du rap, un lexique exclusif, éclairant les racines d’un courant musical trop souvent incompris.

Egocentrique
Le rap adore mettre en exergue ses qualités.

Il n’hésite jamais à défier les autres. Il aspire à s’imposer à tous et à prouver sa valeur. Peu de choses lui inspirent la crainte. En réalité, la guerre des mots, le clash, fait partie intégrante de son histoire. Stigmatisant la concurrence, vantant ses mérites et exagérant ses performances, le rap sait manier habilement les attaques frontales et jongler avec l’autosatisfaction, signe limpide du désamour dont il a tant souffert. Pour certains, il s’agit d’une revanche. Pour d’autres, cela relève de la volonté de légitimer la place qu’il occupe aujourd’hui dans l’industrie musicale.

Impulsif
Parfois, le rap réfléchit trop peu et parle trop vite. Il attaque sans réserve et nuance rarement ses propos. En fait, il fait constamment preuve de spontanéité. C’est un disciple de l’improvisation, de l’émotionnel. Son action, qui précède souvent la réflexion, lui porte préjudice en le décrédibilisant. Surtout, elle effraie et donne une impression d’instabilité, d’immaturité. Comme si le rap se montrait incapable de se poser. Il s’agit en fait essentiellement de traits de caractère inscrits dans son patrimoine génétique. Car le rap, c’est la vie, dans sa plus grande spontanéité, guidé par les émotions et uniquement freiné par les limites inhérentes à l’art.

Multiculturel
Nous l’avons déjà dit : le rap est un bâtard culturel. Il se nourrit des autres, cherchant à exploiter ce qui suscite son intérêt. Il mélange les influences, s’en inspire et combine ce qui peut paraître totalement hétérogène. Il ne connaît pas les frontières, se moque des couleurs et trouve de la richesse partout où il pose les yeux (voire les oreilles). Il se révèle pleinement ouvert à l’inconnu : cela l’intrigue, lui donne des idées, titille son esprit créatif. Il ne rejette rien, mais, au contraire, combat l’apriorisme et estime pouvoir puiser sa matière première (le motif musical) partout.

Névrosé
Ses obsessions semblent innombrables : la réussite matérielle, les femmes, l’injustice, l’Afrique, la religion… Il peut parfois s’y enfermer et finit par ne plus évoquer qu’elles. Elles façonnent son discours, influent sur sa personnalité, dénaturent ses propos. Passionné, le rap l’est donc aussi quand il s’agit de défendre des causes dont il se sent proche, quand il s’agit de traiter des sujets qui l’interpellent. Malheureusement, cela contribue à cloisonner son discours et à multiplier les redites. En effet, certains thèmes constituent de véritables pièges à doublons et se trouvent allégrement rabâchés.

Populaire
La popularité du rap n’est plus à démontrer. Ses magazines, ses lignes vestimentaires et ses maisons de disques en témoignent suffisamment. Mais le rap possède surtout l’incroyable capacité de secouer les consciences populaires autour de sujets très sérieux. Historiquement, il a été porté aux nues par la jeunesse urbaine. Il est avant tout le produit des aspirations de la rue, qui l’a démocratisé et encensé. Et, si le rap parle tant aux gens, c’est parce qu’il évoque sans ambages leur réalité, leur vécu, leurs difficultés et leurs joies. Il emploie leur langage, se montre parfois aussi excessif qu’eux et tombe dans des travers que tous connaissent. Il est leur porte-voix, faisant de leur vie et de leurs convictions une fresque musicale.

Revendicateur
Le rap a la politique dans les tripes. Que son discours soit posé ou vulgaire, limpide ou obscur, réfléchi ou spontané, il se révèle souvent guidé par des enjeux politiques ou sociaux. D’ailleurs, on ne compte plus les revendications, qui foisonnent dans les textes de rap. Les artistes les plus engagés syndicalisent la pensée du public, apportent un éclairage sociétal à de nombreux problèmes quotidiens. Les réflexions se répandent, les attaques fusent. Les grandes entreprises prédatrices, les dirigeants corrompus, les fonctionnaires trop zélés : tous font les frais de textes offensifs et critiques. Dans un monde de plus en plus dépolitisé, le rap veut faire entendre sa voix et porter sur la place publique ses préoccupations. On ne lui reprochera pas.

Et vous, quelle serait votre propre définition du rap ?

Vous pouvez retrouver Jonathan Fanara sur son blog.

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