Quelques heures avec Yoann Fréget

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Crédit photo: Emmanuelle Fréget –

 

Dimanche dernier, j’ai interviewé Yoann Fréget, au Beau Vélo de Ravel à Bruxelles. Et depuis une semaine maintenant, je ne cesse de reporter l’écriture de cet article. C’est le blocage, le syndrome de la page blanche. Un peu comme on peine souvent à dire à ceux qui comptent le plus combien ils sont précieux, j’ai peur de ne pas trouver les bons mots, de ne pas dresser un portrait suffisamment fidèle. Car Yoann donne, mais il donne beaucoup et vous avez juste envie de le lui rendre puissance mille. Alors aujourd’hui, je me jette enfin à l’eau, en suivant SA méthode : celle de la spontanéité et du coeur, parce qu’après tout, les mots ne sont pas des mathématiques et que, contrairement aux chiffres, ils n’attendent jamais une bonne réponse mais juste une vérité personnelle.

Le lâcher-prise

Comme beaucoup d’entre vous, j’ai découvert Yoann Fréget dans The Voice, en 2013. Il est arrivé avec ses grands gestes, tout en démonstration vocale ; le genre de personnage qui, soit suscite l’indifférence voire l’insensibilité la plus totale, soit vous bouleverse dans tout votre être. Tout ou rien. Pas de demi-mesure. Quand on aime, on ne compte pas. Et ça pour aimer, il aime. Grand comme le monde, comme lui. Comme son talent, sa voix et sa stature, qui m’ont contre toute attente intimidée, moi qui me rendais à cette interview plus décontractée que jamais tant il m’inspire des bons sentiments depuis la première fois que je l’ai vu dans mon petit écran. Mais c’était sans compter sa grandeur d’âme et de coeur, qui a finalement su me mettre à l’aise au point de passer instinctivement au tutoiement, sans crier gare. Cette impressionnante générosité et cette douce bienveillance sont, au-delà de toute classification des genres, les premières caractéristiques de sa musique, nourrie d’un voyage de trois mois au Canada puis de trois mois aux États-Unis à 21 ans – où il a pris conscience de l’universalité de son art – précédé d’un séjour de plusieurs mois en Inde à 20 ans. « J’ai commencé à être intéressé par la culture indienne à partir de mes 16-17 ans, par cette notion d’intériorité, le fait que la musique soit quelque chose qu’on puise au fond de nous et qu’on laisse couler, et le but c’est d’être l’instrument le plus transparent possible pour être la meilleure réflexion de cette musique qui est en nous. En Inde, il y a aussi toute cette culture de la méditation qui m’a toujours passionné – je médite depuis que j’ai 19 ans. Pour moi, la musique est une prolongation de la méditation. C’est pour ça que, quand je chante, je me force jamais à fermer ou ouvrir les yeux, bouger ou non, c’est quelque chose qui est intérieur et qui doit vraiment être dans le lâcher-prise. Il ne doit pas y avoir d’interférence de l’ego, on ne doit pas essayer selon moi de séduire les gens, ça doit juste être spontané. Cet amour qu’on donne, c’est ça qui attire les gens comme un aimant… ou qui les repousse quand ils n’aiment pas les bonnes vibes », me raconte Yoann en riant, tout en relevant également quelques similitudes entre la soul et la musique indienne, notamment dans « les placements vocaux » et « la manière de moduler la voix très rapidement ». Aujourd’hui, s’il lui arrive encore de se servir des gammes indiennes spontanément lors de concerts, la méditation, qu’il pratique tous les jours matin et soir, reste le plus grand vestige de sa visite. « Ca a une très haute importance, c’est-à-dire que c’est vraiment quelque chose qui me permet d’aller plus profondément dans ce que je vais ressentir artistiquement. Ca permet vraiment de ressentir encore plus cette joie quand on chante, de se transcender, explique-t-il. La méditation permet à notre art d’aller plus loin : l’un nourrit l’autre, ils sont comme deux meilleurs amis indissociables. Autant je ne pourrais jamais m’arrêter de chanter, autant je ne pourrais jamais m’arrêter de méditer. »

Communiquer en toute positivité

Au réveil, malade, ou en vacances, il est vrai que Yoann Fréget a toujours bien du mal à résister à l’envie de faire quelques vocalises, une passion qu’il a d’ailleurs souhaité partager cet été, le temps d’un stage de chant à Sumène dans le sud de la France, décision surprenante pour une célébrité mais évidente pour l’insatiable mélomane. « Mon but, c’est une vraie communication de cœur à cœur donc le fait de continuer des stages de chant – c’était le premier que je faisais depuis deux ans donc j’ai plus du tout le temps d’en faire comme avant – c’est important car cela me permet de rester accessible. Il y a pour moi une mascarade dans l’industrie de la musique et c’est l’inaccessibilité. Celle que se donnent certains artistes ou que tout leur management leur donne, pour qu’on croie que ce sont des demi-dieux. Tout ça, pour moi, c’est hors de question. (…) En tant qu’artistes, on n’est pas là pour jouer, ni sur la frustration, ni sur l’hystérie ou sur ce rapport de ‘Je te prends, je te donne’ », dénonce le chanteur qui refuse d’ailleurs d’utiliser le terme « fans » et sa connotation d’idolâtrie, privilégiant « la relation ‘êtres humains’ ». À la parole, Yoann joint les actes : présente plusieurs heures avant le concert ce dimanche, je l’ai vu distribuer sourires et signes de la main à foison entre deux balances son, mais surtout son temps, quelques mots gentils, des photos et des autographes dès qu’il en avait l’occasion. « Ce qui est intéressant, c’est l’échange humain et d’essayer d’emmener ces ondes positives partout où on va », souligne-t-il. Ce penchant optimiste se perçoit jusque dans les chansons de son premier album Quelques heures avec moi, sorti en début d’année. « Il faut savoir que ces textes qui parlent du lâcher-prise, de la force de la nature, de l’innocence qu’on a tous en nous et qu’il faut savoir cultiver, ce sont des expériences de vie. J’ai beau avoir 27 ans, je me suis aussi pris beaucoup de claques dans la figure qui apprennent vraiment à savoir ce qui est essentiel dans la vie. Donc quand je parle de positif, ce n’est pas quelque chose de naïf, c’est quelque chose que je ressens profondément donc je continuerai toujours à parler de positif parce que je trouve qu’aujourd’hui, on allume la télé et on a juste envie, si on est instable, de se jeter par le balcon. Donc c’est important qu’il y ait des artistes qui prennent la responsabilité de parler de valeurs qui les animent. Après dans mon album, j’ai aussi parlé de choses plus graves : j’ai repris le texte de Vole de Jean-Jacques Goldman qui parle d’une personne qui est décédée, j’ai parlé du racisme avec Nos Etats Unis, précise Yoann. Donc ça ne me dérange pas du tout d’aborder des sujets difficiles mais c’est pour élever, pas pour moi, pour parler de mon spleen, tourner en rond et amener tout le monde dans mon truc pour qu’on fasse un suicide collectif. C’est ce que font certains artistes qui font juste les choses sans être conscients de leur énergie. » Dans la même optique, celui qui a fait des études de musicothérapie mais aussi d’audiovisuel tient également à s’impliquer dans le scénario de ses clips afin de rester maître de son image mais aussi de respecter un public transgénérationnel. « Parfois, il y a un énorme décalage entre une musique, qui va être bien, et puis on voit le clip et ça brouille complètement les pistes, déplore-t-il. On a plus l’impression que la personne est en train de faire un strip-tease que de chanter. Pour moi, c’est très important que les clips soient en cohérence avec l’image positive que je veux donner, qu’ils s’adressent du plus petit au plus grand, au plus vieux. »

Un deuxième album plus soul que jamais

Parrain de Parole-Bégaiement, Yoann Fréget a également participé au single Kiss & Love au profit du Sidaction ainsi qu’au morceau Je suis cet autre, écrit par Julie Zenatti pour l’association Valentin Haüy. Le 13 octobre prochain, il partagera avec Lara Fabian une reprise du hit de Francis Lalanne, On se retrouvera, sur la compilation Les Enfants du Top 50. Il prépare actuellement son second opus pour lequel il n’exclut pas la possibilité d’un voire plusieurs duos et qui sera une fois de plus le fruit d’une collaboration avec une série d’auteurs. La plupart des textes de Quelques heures avec moi avaient en effet été signés François Welgryn (Céline Dion, Garou, Amel Bent), guidé par une note d’intention d’une dizaine de pages soigneusement rédigée par le gagnant de The Voice. Car s’il ne souhaite pas prendre la plume, il ne manque certainement pas d’idées et compte par ailleurs plusieurs compositions qu’il garde pour lui, mais pas par égoïsme. « Je sens que ce n’est pas le moment et je suis très perfectionniste dans tout ce que je fais et tant qu’elles ne sont pas vraiment au mieux, je ne les montrerai pas », prévient-il. Yoann préfère entretenir le mystère quant aux autres détails de son nouveau projet mais confie néanmoins que cet album lui « ressemblera encore plus », s’inscrivant plus que jamais dans ses influences soul. Et peu importe si ce n’est pas formaté pour les ondes. « J’ai vraiment décidé de me détacher de ça, affirme le passionné de gospel. D’ailleurs, c’est pour ça que je suis très confiant pour ce deuxième album. Maintenant, ma priorité c’est vraiment de faire de la musique pour l’amour de la musique et l’amour des gens, parce que je veux leur donner de la musique la plus pure possible, la plus intense possible, parce qu’ils me le rendent à chaque fois. Donc les radios, si elles doivent suivre, elles suivront, sinon tant pis. Mais ce qui est sûr, c’est qu’il faut que les radios respectent le public parce que les gens aiment la soul et il est grand temps de lui laisser une place en Europe. » Plus tard au cours de notre conversation, Yoann Fréget relèvera l’engouement des téléspectateurs pour la Sœur Cristina Scuccia, gagnante de The Voice of Italy qui avait passé son audition avec un titre d’Alicia Keys, ainsi que la victoire du très old school Jermain Jackman dans la dernière saison britannique. « Si on leur parle, si on étudie leurs goûts, les gens aiment la soul, c’est simplement qu’ils ne l’entendent pas donc on les éduque à autre chose et ils sont un peu endormis par ce qu’on leur sert. Donc il faut que les artistes soul se battent jusqu’au bout pour affirmer leurs convictions parce que ce n’est pas juste un style : c’est une musique qui est spirituelle. C’est quelque chose qui est au-delà des religions, au-delà des mots, qui va puiser profondément en soi. Il faut que les artistes soul continuent à se battre et si les portes doivent s’ouvrir, elles s’ouvriront », conclut-il. Mais la soul est aussi un vrai mode de vie qu’il représente à merveille, se dévouant cœur, corps et âme dans tout ce qu’il fait et enveloppant de tendresse et de lumière tous ceux qu’ils croisent sur son chemin. J’en ai fait les frais et je n’aurai jamais eu autant envie de le crier après une interview : merci !

Découvrez la suite de notre entretien… en vidéo !

 

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Crédit photo : Emmanuelle Fréget

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