Tout d’abord, pourquoi avoir choisi ce nom Bleu électrique ?
Il y a deux ans et demi, j’ai perdu mon père. A ce moment-là, j’ai eu une phase de dépression, une phase côté blues. Par la suite, une semaine après, j’ai appris que j’étais père. J’étais un peu déstabilisé par la perte de mon père et par une nouvelle responsabilité que j’allais assumer. Quelque part, c’est un cycle naturel. Mais dans mon cas, ce cycle a été fait violemment. Le coté électrique est l’impulsion qui me permet de repartir de l’avant. Une fois qu’on a vécu une chose difficile, il faut pouvoir repartir. On ne peut pas déprimer ad vitam aeternam. En même temps, le bleu électrique est une couleur que j’affectionne pour son coté flash et ce côté qui te tient en éveil. Le bleu est une couleur qui renvoie aussi au ciel et à l’espoir. Le bleu n’est pas toujours triste. Les morceaux de l’album sont teintés de sonorités plutôt blues, jazz, rock, reggae… Mais on retrouve aussi ce côté plutôt électrique dans les instruments, dans l’acoustique.
Le 25 mars, tu donneras un concert acoustique au Botanique. Pourquoi cette formule, pourtant plutôt risquée pour un rappeur ? Est-ce que tu appréhendes un peu ?
Le concert se passera dans une petite salle de 300 places (Rotonde). Depuis trois semaines, on s’occupe de la promotion du clip Dans ton ordinateur et de l’album. Toutes les personnes du milieu ont été informées, c’est-à-dire la presse, les directeurs de salles, les tourneurs, les programmateurs live… D’une part, ce concert est l’occasion de vendre le show et l’album. D’autre part, c’est un geste pour remercier les personnes qui m’ont suivi. Ils pourront voir l’album en preview et l’obtenir à un meilleur prix que lorsqu’il sortira dans les bacs. Normalement, je pense que c’est faisable mais je reconnais qu’il y a une part de risque.
Peux-tu nous parler des différences qui existent entre l’album Bleu électrique, L’encre, la sueur et le sang sorti en 2006 et Akro au krunk sorti en 2008?
Sur l’album Bleu électrique, je suis vraiment dans un concept de mise à nu. Je n’ai pas peur de dire que j’ai 34 ans, un enfant et une situation. L’album est 100 % ouvert au niveau du cœur, au niveau du discours, au niveau de l’attitude. C’est l’album le plus vrai, le plus mature et le plus ouvert musicalement sur d’autres courants. Akro au krunk était un street-album pour la performance musicale et pour le flow. Pour l’album L’encre, la sueur et le sang, c’était une première expérience solo, un premier jet. J’ai donné le meilleur de moi-même. On y retrouve également une similitude au niveau des couleurs de sons présents aussi sur mon nouvel album Bleu électrique. Cet album-ci est plus accessible.
Ton single Dans ton ordinateur sort dans les bacs ce mois-ci. Quel est ton rapport à la technologie puisque tu es quand même présent sur la toile (notamment sur MySpace & Facebook) ?
Depuis 2 ans, je me suis rendu compte du paradoxe des réseaux sociaux. Sur ceux-ci, on retrouve des milliers d’amis, des milliers de messages tous les jours mais la vie sociale réelle en pâtit vraiment. Si tu calcules ton temps de discussion entre êtres humains par rapport au temps que tu passes à consulter des sites, des messages, des vidéos… tu remarques que le temps est devenu équivalent, si pas plus faible. Avant, on contrôlait les médias, maintenant j’ai l’impression que les médias nous contrôlent. En tant qu’artiste, je passe beaucoup de temps sur le net car c’est un média gratuit, sur lequel j’atteins beaucoup de monde, où je peux rafraichir mes infos, créer mon site… D’une part, je suis stressé car j’ai besoin de faire circuler mon information. D’autre part, je limite mon temps devant l’écran pour ne pas être esclave de mon ordinateur.
[two_three] Comment est née ta collaboration avec Jesus de Tshango sur AK Mundele, titre à l’ambiance très africanisante ?Tous les dimanches, je les passe avec ma belle-famille qui est d’origine congolaise. Et je suis un peu le Mundele de la bande, “le blanc”. Je prends ça comme une boutade. Le morceau n’est pas politique. C’est plutôt un morceau festif. Le titre a été réalisé avec le chanteur du groupe de rumba congolais, Staff des Leaders, basé Bruxelles. Le bassiste du groupe a fait toutes les lignes de bases de mon album. Je trouvais intéressant d’avoir un échange avec les jeunes d’origine congolaise et les jeunes d’origine belge. Mon but était de montrer que bien après l’indépendance du Congo, notre génération n’a pas décidé des événements qui se sont déroulés et ne doit pas se sentir coupable. Au contraire, notre génération peut apporter un changement au niveau des mentalités, des autorités, conscientiser les jeunes… Comme le dit si bien la chanson : “Je nourris l’espoir au lieu de piller le sol”.[/two_three]
Le 8 mars était la Journée de la femme et justement dans ton album, le morceau RESPECT rend hommage à la femme. Peux-tu nous en parler ?
Mon ami Ben qui fait du booking pour Artists-Jamaica m’a proposé une collaboration avec trois artistes féminines qui souhaitaient chanter avec un artiste en français car pour eux, c’est exotique (rires). J’ai choisi l’artiste Stacious car c’est une femme avec une très forte personnalité, une superbe voix et qui arrive à défendre la position d’une femme forte. C’est une femme émancipée qui évolue dans l’univers du reggae et du hip-hop qui sont des univers assez virils, assez masculins. Je lui ai proposé le morceau et trois jours après, nous avons posé nos voix. Le morceau s’adresse aux adolescents qui ne respectent pas leurs sœurs et leurs mères. Il a pour but de faire changer la mentalité de ces jeunes. Le morceau insiste sur la parité hommes-femmes.
Sur le titre Serrez-vous, on te sent nostalgique de l’époque Starflam… Est-ce tu pourrais imaginer à nouveau faire partie d’un groupe dans quelques années ? Quel bilan tires-tu de l’expérience Starflam ? Est-ce que tu as gardé contact avec les membres du groupe ?
Le titre a été fait pour clarifier ma situation par rapport à Starflam. Aujourd’hui, je n’envisage pas de retourner dans le groupe. C’était une très belle période de ma vie. Le temps est passé et notre chance de revenir aussi. L’époque de Starflam figure parmi mes plus belles années après l’adolescence et pendant mes études supérieures. J’ai chanté devant des milliers de personnes, avec mon groupe… Aujourd’hui, j’ai gardé contact avec les ¾ de l’équipe. Si je devais à nouveau faire partie d’un groupe de musique, ce serait un groupe pop-rock avec une touche de rap, un truc assez décalé, pas sérieux, à l’image des Beastie Boys.
Cette semaine, on a appris le décès du chanteur américain Nate Dogg. Est-ce que sa disparition t’a affecté comme de nombreuses personnes qui ont grandi dans les années 90 en écoutant sa musique ? Est-ce que c’était un modèle pour toi ?
Oui, j’étais un grand fan. Par rapport à sa disparition, je prends du recul car il y a tellement d’icônes qui sont parties au niveau du rap américain. Il y a eu Tupac, Biggie, Eazy-E et maintenant Nate Dogg. C’est triste d’avoir perdu un artiste qui a apporté une crédibilité dans certains refrains que tout le monde a chanté dans les clubs, soirées… C’est sûr que cette personne manquera à Dr Dre et au monde de la musique en général. Au point de vue musical, c’est un artiste dont je me suis inspiré au niveau des mélodies. J’ai écouté ses chansons dans ma voiture des dizaines de fois et certains de ses albums solos comme Music and Me qui est un super album très West Coast. L’album garde un côté street, un côté roots. Nate Dogg a le groove du crooner et du chanteur R&B. C’est une grosse perte pour le mouvement West Coast américain.
Avec quels artistes rêverais-tu de collaborer ?
Sur mon premier album, je me suis déjà fait plaisir avec des collaborations des artistes que j’adulais quand j’avais 15-16 ans… Si je pouvais faire revenir ces gens-là et Nas, ce serait super. Au niveau français, j’ai beaucoup de respect pour Oxmo Puccino pour sa plume et sa maturité. J’apprécie les personnes qui vivent avec leur temps.
Hormis la sortie de ton album, quels sont tes futurs projets ?
Actuellement, j’aimerais défendre mon album sur scène car j’ai passé pas mal de temps à répéter avec les musiciens. De plus, on a un décor et des projections vidéo durant le concert. J’essaie d’amener une valeur ajoutée à ce que j’ai pu faire auparavant. Prochainement, on va tourner les clips des morceaux Ak Mundele, Respect et Bruxelles-Plurielles.
Pour conclure l’interview, petite tradition d’Urban Soul :
Dernier concert auquel tu as assisté ? Public Enemy
Dernier album que tu as acheté ? Cee-Lo Green – The Lady Killer, mais l’album était trop pop, je n’ai pas accroché.
5 titres qui tournent en boucle dans ton lecteur mp3 ? J’écoute du Nas, du Nate Dogg, du Bob Marley, du Renaud et un morceau de salsa.