Explique-moi le rap (Partie 1)

Explique-moi le rap (Partie 1)

Parce qu’il ne peut se résumer à quelques notions approximatives, le rap paraît parfois indescriptible. Il n’est pas un absolu, mais une somme de caractéristiques disparates. Sa réalité renferme quantité d’artistes de tous horizons, des valeurs profondément divergentes et des influences diverses qui forment une base musicale commune. Mais il est néanmoins possible d’en dresser un portrait fidèle, en s’appuyant sur quelques particularités fondamentales révélant sa nature propre. Urban Soul vous livre un dictionnaire exclusif, éclairant les racines d’un courant musical trop souvent incompris.

Anticonformiste
Le rap, par sa nature, se veut résolument anticonformiste. Il se définit souvent par opposition aux modèles dominants. Il refuse de se conformer aux normes et aux codes en vigueur. Il cherche fermement à déployer et à affirmer sa personnalité, contre vents et marées. Pour se construire, souvent, il conteste. Pour se définir, il rejette ou blâme brutalement. Se démarquer nécessite, pour les artistes, de créer des clivages. Au sein d’un courant musical où la parole prime, l’identité textuelle et ses nombreuses ramifications peuvent heurter les convenances. Les cris du cœur paraissent souvent outranciers et violents, articulés autour d’un langage politiquement incorrect. Mais, au même titre que les codes vestimentaires ou les danses urbaines, ils contribuent à façonner l’essence du rap qui, peu à peu, s’est enfermé dans un hors piste langagier et visuel le représentant mieux que personne. Cette musique, qui nie toute barrière, et ses textes, revendicateurs et très critiques, témoignent de cet anticonformisme historique. D’ailleurs, les racines de ce courant musical, qui s’est établi dans les rues new-yorkaises, tranchent nettement avec l’univers des majors et des tournées mondiales.

Apatride
Né aux États-Unis de parents africains, le rap voyage partout et possède de nombreuses résidences secondaires. Il parle toutes les langues et possède des attaches familiales partout. Il s’adresse à tous, sans discrimination, et accorde la même attention à tous les pays dans lesquels il pose ses valises. Aujourd’hui, il sillonne le monde, multipliant à l’infini les succès commerciaux, s’implantant notamment dans les grandes villes et au sein des populations urbanisées.

Artiste
Le rap se compose de poètes urbains, de musiciens, de techniciens sonores et de DJ’s, tous ou presque découpant les classiques pour mieux les assembler dans ce qui ressemble à un puzzle musical planétaire, et en les gratifiant bien sûr d’une touche de modernité indéniable. Le rap baigne dans la poésie, alternative dans la forme et engagée dans le fond. Il la place sur des instrumentaux riches en influences et très novateurs. Il dresse des tableaux éloquents, qui en disent long sur la société et sur les hommes. Ses textes suscitent de vives émotions, passant de la franche rigolade aux violents courroux en quelques mesures. Le travail d’écriture et de composition doit être minutieux et pertinent. Rimes multisyllabiques, allitération, métaphores, ponts musicaux, variantes, effets de mixage : les techniques au service de la musique se veulent nombreuses et variées.

Créatif
Le rap cherche toujours à se démarquer de ses prédécesseurs. Il crée, innove, recycle. Il s’engage dans des voies risquées, pour la beauté du geste. Il fouille les vieux classiques, les déglingue, leur dispense des actes chirurgicaux. Il fait du neuf avec du vieux, rendant hommage à ses modèles, à ses référents historiques. Il passe du rock au reggae, du jazz à l’électronique. Il sait rédiger, s’adonne à des textes humoristiques, engagés et hardcore, passant du rap théâtral au storytelling. En réalité, ses sonorités et ses courants textuels demeurent innombrables. Ils s’entrecroisent, se nourrissent et se mettent mutuellement en valeur. Enfin, il convient de signaler que le rap a démocratisé le sampler, le débit saccadé et les textes longs. Il a par ailleurs favorisé l’émergence du verlan et enfanté quelques formules langagières en vogue.

Débrouillard
Parti de rien, le rap a pourtant bâti des empires. Avec un microphone et un sampler, il revisite les plus grands classiques et leur accorde généreusement une seconde vie. Cette renaissance musicale, souvent animée par les plus belles intentions (hommage, clin d’œil, etc.), témoigne de la capacité des rappeurs d’agencer astucieusement des échantillons sonores et d’y ajouter une touche personnelle offrant à l’ensemble une dimension neuve. Au départ, le rap s’exprimait avec vigueur dans les rues américaines. Aujourd’hui, il frappe aux portes des plus grands labels et s’impose dans les charts. C’est le roi du système D. Un MacGyver artistique doublé d’un Bill Gates entrepreneurial.

Rendez-vous mercredi prochain pour la seconde partie…

Vous pouvez retrouver Jonathan Fanara sur son blog.

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