Des pansements nommés Jack Garratt & Alex Vargas...

Des pansements nommés Jack Garratt & Alex Vargas...

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Ceci n’est pas une chronique ordinaire. Et à l’heure où j’écris ces mots, je ne sais pas vraiment où tout ça va me mener mais je suppose que vous avez eu le temps de vous habituer à mes longues parenthèses au beau milieu de mes textes.

J’ai mis en ligne mon dernier article vendredi plutôt que jeudi parce que j’étais paresseuse. Mais si je n’ai pas posté ce samedi, dimanche ou encore lundi, c’est parce que je voulais et j’avais besoin de RESSENTIR. Comme beaucoup d’entre vous, j’ai été bouleversée par les tragiques événements récemment rapportés. Les médias ont leurs propres critères de sélection qui semblent parfois — et légitimement — discutables mais je ne me lancerai pas dans ce débat, tout comme je compte ignorer le nombre ridicule de commentaires “#prayforparis” émis dans ma timeline par des gens absolument non-religieux/spirituels. Mais si je dois être honnête avec vous, je vous avouerais que oui, les attentats de Paris ont été pour moi la goutte d’eau qui a fait déborder ce vase déjà rempli de drames ayant frappé les quatre coins de la planète ces derniers jours. Parce que c’est la porte juste à côté. Parce que j’ai la double nationalité. Parce que j’ai de la famille et des amis habitant dans la Ville Lumière qui fait actuellement de son mieux pour continuer à briller malgré cette période difficile, comme beaucoup trop de citoyens du monde en ce moment.

Comme je l’ai dit sur Facebook ce week-end : à chacun sa façon de faire face aux épreuves. Je suis du genre à décider misérablement, un soir, de rester dans mon appartement à l’étranger, à faire la vaisselle en larmes en écoutant Damien Rice, juste pour mieux me noyer dans un sentiment de solitude paradoxal alors que mes nouveaux amis essaient de me convaincre par sms de sortir me changer les idées avec eux. Je suis du genre à préférer m’enfermer pendant une semaine pour pleurer la mort d’un ami d’enfance sans le dire à personne, pendant que mon filleul et son frère me couvrent de câlins en espérant me faire sourire à nouveau. Je suis du genre à avoir besoin de reconnaître la douleur et je pense qu’on a bien le droit d’aller mal de temps en temps, tant que l’on veille à reconnaître sans trop tarder qu’il y a aussi une vie qui nous attend.

Donc, oui, il m’est arrivé ces derniers jours de considérer diverses idées contradictoires, comme de m’énerver un instant face aux messages frivoles d’une partie de mon entourage, pour penser ensuite aux personnes envers qui je devrais exprimer plus de reconnaissance et montrer plus d’amour. Ou de refuser d’écrire, chanter ou écouter de la musique tout en sachant pertinemment que cela suffirait à me remonter le moral, et d’envisager également la possibilité de ne pas assister aux concerts prévus de longue date dans mon agenda, craignant pour ma sécurité mais redoutant aussi de ne pas profiter pleinement de l’instant. Puis je me suis souvenue de mon mantra “Good vibes only”. Je rêvais déjà de vivre de l’écriture à l’adolescence, mais uniquement dans le but de divertir. Attention, je respecte énormément ces journalistes qui nous informent sérieusement, correctement et méticuleusement sur le monde, sa gloire, ses problèmes et ses dérives, mais j’ai toujours eu envie d’écrire d’une plume légère et joyeuse, afin d’accrocher un sourire aux visages qui pourraient en manquer, comme le font mes séries, films, livres et morceaux préférés.

Et c’est comme ça que j’ai finalement décidé de retrouver ma “tranche papaye” samedi soir, en me disant que je tenterais de la partager avec le plus de monde possible et en autorisant la musique à apaiser les mœurs en compagnie de Jack Garratt. Quand je suis arrivée au Botanique, j’ai ressenti une énergie différente mais cette électricité qui avait disparu dans l’air a vite refait surface au sein de la foule lorsque l’artiste britannique est arrivé sur scène. Jack est venu seul… avec sa guitare, son clavier et sa boîte à rythme, mais aussi avec une excitation fébrile et ce délicieux rire complètement dingue et extrêmement contagieux. Sous le charme après l’avoir découvert il y a environ un an avec l’hypnotisant The Love You’re Given, j’étais plutôt hésitante quant à l’achat de tickets pour son premier concert en avril. Mais j’ai réellement commencé à le regretter cet été lorsqu’il a sorti ce bijou du nom de Weathered, avant de carrément m’en mordre les doigts après avoir enfin regardé une de ses performances en vidéo. Vous remarquerez que mon karma ne m’en a pas tenu rigueur et je suis on ne peut plus heureuse d’avoir pu recevoir ce rayon de soleil en pleine face, porté par les sons explosifs de ses EPs et de son album Phase à venir (dans les bacs le 19 février mais déjà disponible en pré-commande), dont une reprise de Latch de Disclosure et Sam Smith et son dernier single Breathe Life. Le multi-instrumentiste sait définitivement comment lever les inhibitions, parfois au détriment de son falsetto, mais au plaisir de goûter à d’amusants échanges piquants et spontanés avec son public. Mon ami (qui n’avait écouté qu’une chanson avant d’accepter de se joindre à moi) et moi nous sommes volontiers laissés envoûter par son spectacle plein de magie, quittant les lieux en étant convaincus qu’il cache bien d’autres tours dans sa majestueuse barbe rousse.

Jack Garratt a ainsi joliment ouvert la voie à son ami Alex Vargas, que j’ai vu en concert deux jours plus tard, toujours au Botanique. Si vous avez lu mon interview avec lui, vous savez probablement déjà à quel point je suis émerveillée face à ses incroyables capacités vocales. À l’époque où je l’ai rencontré, il traversait une sorte de période de transition, planchant sur un nouvel EP — qui sortira enfin en janvier ! — en pensant en même temps à son premier album. Il s’était produit 30 minutes en première partie de Bear’s Den, ce qui m’avait terriblement frustrée (d’un point de vue quantitatif, et non qualitatif bien sûr !). Au cours du set, il avait notamment présenté une nouvelle version de son titre Solid Ground à l’arrangement plus électronique, tout en restant dans l’acoustique et la simplicité pour une cover de Beyoncé ou encore sa chanson Shackled Up, que j’ai découverte en live et que j’ai après pu écouter en boucle uniquement via une vidéo filmée lors d’un show, dénichée sur YouTube. Et j’ai eu l’occasion de la redécouvrir ce lundi 16 novembre sous un tout nouveau jour, dans la même veine que le Solid Ground 2.0. Et j’ai détesté ça. Pendant les quelques premières secondes. Car j’ai réalisé ensuite que, non seulement Alex avait enfin trouvé sa propre identité musicale, mais aussi que cette nouvelle atmosphère empêchait nullement de prêter attention aux paroles et de RESSENTIR. D’une certaine manière, elle aide même à mieux assimiler et accepter ce tumulte de sentiments, apportant aux morceaux ce petit goût doux-amer. Ce nouvel équilibre entre acoustique et production plus assumée, également apparent dans le sublime Wear Your Demons Out (qui me parle tellement que j’en viens à penser que j’aurais aimé l’avoir écrit), entraîne un changement dans la façon dont Alex Vargas s’émeut et se meut derrière son micro, intensifiant selon moi sa présence scénique tout en invitant l’esprit à s’évader le temps d’une petite heure.

Car c’est exactement ce qu’il s’est passé lors des prestations offertes par Jack Garratt et Alex Vargas : j’ai tout oublié. Aussi efficaces qu’un pansement suivi d’un baiser après une blessure, ils m’ont aidée à me relever et à reprendre la vie là où je l’avais laissée. Alors, oui, la plaie sera bien entendu toujours là une fois le pansement arraché mais la douleur s’en est allée, du moins en surface. Jack, Alex : j’espère que vous savez quel beau duo de guérisseurs vous formez !

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